«Le Menu»
Ce film malaisant trashe la haute gastronomie

Dans les salles obscures dès mercredi, la comédie horrifique «Le Menu» tourne autour d'un repas de dégustation haut de gamme, pour lequel le chef a réservé à ses convives des surprises... qu’ils n’auraient jamais imaginées, même dans leurs pires cauchemars.
Publié: 23.11.2022 à 10:51 heures
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Dernière mise à jour: 30.12.2022 à 15:37 heures
Marine Guillain

Un film d'horreur, mais avec de la bouffe. Présenté comme ça, le menu de «Le Menu» ne m'avait pas spécialement fait envie, et ce malgré la présence de l'excellente actrice Anya Taylor-Joy («Le jeu de la dame», «Amsterdam»). Pourtant, «Le Menu» est bien plus qu'un simple film d'épouvante sans autre ambition que de vous faire sursauter sur votre fauteuil.

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Mis en scène par le Britannique Mark Mylod (derrière plusieurs épisodes de «Game of Thrones» et «Succession»), le long métrage met en scène une douzaine de convives qui se rendent sur une île isolée pour prendre part à un repas de dégustation prestigieux et hyper select. Parmi eux, de riches entrepreneurs, une critique culinaire célèbre, une star du cinéma… et aussi un jeune couple formé par Tyler (Nicholas Hoult), fan inconditionnel de gastronomie, et Margot (Anya Taylor-Joy, parfaite comme d’habitude), qui au contraire peine à se passionner pour le contenu de son assiette. Tandis que Tyler s'extasie devant chaque perle de sauce et chaque battement de cils du grand chef Julian Slowik (Ralph Fiennes, taillé pour ce rôle presque aussi flippant que celui de Voldemort), Margot préférerait un bon burger qui lui remplisse l’estomac.

Le film est orchestré comme un vrai menu, avec amuse-bouches, entrées et services successifs. Alors que les plats inventifs - et les histoires qui les accompagnent - s'enchaînent, le malaise s’installe et la tension monte. Jusqu’à ce que le repas se transforme en un jeu de massacre, dirigé par un chef sociopathe d’humeur festive, bien décidé à régler ses comptes. Les invités sont pris au piège, ce n’est plus cauchemar en cuisine, mais cauchemar dans la salle.

Ralph Fiennes en chef sociopathe sait mettre mal à l'aise ses clients tout comme les spectateurs.
Photo: Eric Zachanowich

L'authenticité avant l’absurdité

Ce qui fait d’abord mouche dans «Le Menu» et qui parle forcément aux fins gourmets comme vous et moi, c’est son réalisme: le métrage a beau aller loin dans son délire psychopathe, il prend son sujet très au sérieux et se veut authentique. Exemple: la cheffe étoilée française Dominique Crenn (l'Atelier Crenn à San Francisco) était consultante sur le plateau de tournage. Elle a notamment conçu le menu, inspiré de la nature, et a coaché l’équipe sur les rapports entre le chef et sa brigade en cuisine.

Le personnage de Ralph Fiennes est inspiré de la série des «Chef's Table», documentaires phares de Netflix, tandis que la production a puisé des idées dans les plus célèbres restaurants du monde pour la scénographie des plats: le Noma (du Danois René Redzepi), le French Laundry (du Californien Thomas Keller) ou encore El Bulli (du Catalan Ferran Adrià).

Mal à l'aise, mais c'est voulu

Un autre point essentiel de ce film qui carbure à l’humour noir: la satire sociale. Bien affûtée, elle provoque tantôt dégoût, tantôt hilarité. Car «Le Menu» dénonce le snobisme à tous les niveaux: celui des privilégiés (les 1250 dollars exigés pour le menu font demander à Margot: «On va manger quoi, une Rolex?»), celui du langage («Ce mélange provoque en bouche une vraie explosion de saveurs») et celui de la cuisine bien sûr: le chef, qui ne conçoit plus ses plats avec amour mais avec obsession, va si loin dans son délire conceptuel qu’il propose par exemple une assiette de pain… sans pain.

Au final, que vous soyez dans le clan des fins gastronomes ou dans celui de la junk food, vous avez de grandes chances d'apprécier «Le Menu». La prochaine fois que vous vous retrouverez à une table gastronomique, vous aurez forcément une pensée émue pour les pauvres convives invités par le grand chef Slowik…

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